L'échelle de Sirius
 
« Il faut recourir à un ordre d’idées tout différent, et renoncer surtout à ce point de départ terrestre dont l’importance dans la généralité est exclusivement relative à l’homme. La terre ne doit plus apparaître que comme un détail subordonné à l’ensemble dont elle fait partie. Il faut se garder d’amoindrir le caractère de grandeur d’une telle conception par des motifs puisés dans la proximité de certains phénomènes particuliers, dans leur influence plus intime, dans leur utilité plus directe. Une description physique du monde, c’est-à-dire un tableau général de la nature, doit donc commencer par le ciel et non par notre terre ; mais à mesure que la sphère embrassée par le regard se rétrécira, nous verrons s’augmenter la richesse des détails, nous verrons les apparences physiques se compléter, les propriétés spécifiques de la matière se multiplier. De ces régions, où la seule force dont il nous soit donné de constater l’existence est celle de la gravitation, nous descendrons graduellement jusqu’à notre planète. »

Nous sommes tous des Norvégiens

D'ici quelques heures, nous connaîtrons la décision des banquiers directeurs de la BCE : vont-ils ou non annoncer qu'ils rachètent des parts de dette sud-européenne ?
Attendant de la connaître, qu'attendons-nous au juste qui ne se soit déjà résolu ? De la décision en attente, l'essentiel des effets s'est déjà manifesté au grand jour, comme l'avait sans doute calculé lui-même in petto Mario Draghi en annonçant, comme Sganarelle ou les putti de l'âge baroque, qu'il allait bientôt annoncer ce qu'on attendait qu'il annonçât - cela, ou bien son contraire.

 
L'indécision géopolitique
 
Comme son nom l’indique, la géopolitique étudie les formes politiques du pouvoir en interrogeant leurs orientations : nous n’agissons qu’en rapport à un horizon. La ligne d’horizon nous aide à calculer nos déplacements à la surface des terres et des mers – défricher, migrer, transporter – mais sa simplicité de coordonnée physique se charge toujours des significations imaginaires que nous projetons en outre sur cette frontière. Si des notions aussi confuses et inconsistantes que « l’Occident » perdurent et organisent nos savoirs et nos histoires de progrès et de déclin, c’est que nous leur confions l’essentiel symbolique de nos images du monde, pures croyances savamment rationalisées et vides de tout véritable contenu rationnel.