Juin 2012 (1)

Après quelques semaines de suspension contrainte, La Quinzaine géopolitique reprend sa parution. Le blog annoncé au début du printemps comprendra tout d’abord deux bulletins mensuels, commentaires de l’actualité, notes de lecture ou brefs essais théoriques.
Je profite de ce recommencement pour le préciser : le travail fécond ne peut se suffire d’hypothèses, si pertinentes soient-elles ; il ne dure et n’oriente la réflexion que s’il rend vivantes les méthodes d’une discipline. Dans cet esprit, la nouvelle série qui commence cette première semaine de juin propose d’ouvrir une recherche sur les notions de surface et d’interface géopolitiques. Extraites d’un essai paru en mai dernier dans la revue trimestrielle Médium (31), les lignes suivantes conduiront à quelques vers d’Apollinaire conçus sur le front de la guerre de 1914-1918. Elles valent hommage rétrospectif au visionnaire. Les poètes, s’ils prennent leur métier au sérieux, se font les égaux des stratèges, qui, pour quelques-uns, se mettent aussi à leur école.


Juin 2012 (2)

Les récentes péripéties de la dislocation européenne en cours permettent d’enrichir le pronostic que nous risquons au grand jour depuis un moment déjà. En fait, ces jours-ci, l’Europe vient de disparaître, et, sauf à savoir comment déjouer les apparences, personne ne peut encore s’en aviser. Comme dans le célèbre sketch, le héros du dessin animé a depuis longtemps quitté la terre ferme de la falaise et mouline dans le vide. Dans tous ses émois de fugitif traqué par le méchant loup, il mettra encore longtemps à l’entrevoir béant sous ses pieds. Hors d’haleine, comment songerait-il seulement à penser ? Nous en sommes là : tandis que les comptabilités nationales se dissipent en traites de crédit sans valeur, leur banque commune, la BCE, fabrique des assignats qui n’ont d’autre valeur que la respectabilité déclinante de leur signataire. D’un côté, une banqueroute au ralenti ; de l’autre, un cautère auquel même le FMI a de plus en plus de mal à renouveler l’expression obligée de sa confiance crispée.


Juin 2012 (3)

Nous inaugurons ici une nouvelle rubrique de La Quinzaine géopolitique. Une fois par mois, nos « Notes de méthode » proposeront de brèves incursions dans la bibliothèque idéale de la littérature géopolitique.

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Quelque programme que se fixe la réflexion géopolitique, ses leviers en passent toujours par le même moment : elle opère dans un élément constant, celui de l’histoire universelle, celui, autrement dit, de la résonance réservée à tels événements ou tels autres à travers la diversité des communautés de l’œkoumène et la multiplicité des générations. Résonance de la vie humaine qui s’exprime en toutes lettres dans les premières lignes de La Guerre du Péloponnèse, lorsque Thucydide, pour justifier son entreprise d’historien, invoque la portée de l’événement qu’il s’apprête à relater : « Ce fut en effet la crise la plus grave qui eût jamais ébranlé la Grèce et, avec elle, une partie du monde barbare. On peut dire que la majeure partie de l’humanité en ressentit les effets. » Cette universalité-là ne nous attribue qu’une de nos dimensions (nous vivons de plusieurs espaces-temps), encore faut-il la mesurer bien.