Délire très mince
Titre du livre : DÉLIRE TRES MINCE - Qu’as-tu fait de ta vie, Petit Homme ?
Auteur : Jean-Louis RIGUET
Date de première publication : 2014
Éditeur : Éditions du Masque d’Or – collection Parole d’Homme
Nombre de Pages : 290 pages
Numéro ISBN : 978-2-36525-032-0
Prix : 24 €
Libre disponible chez l’éditeur :
Éditions du Masque d’Or, 18 rue des 43 Tirailleurs à 58500 CLAMECY
Tél /Fax : 03 86 27 96 42 - masquedor@club-internet.fr - www.scribomasquedor.com
Le genre :
Le livre est un essai. Deux parties constituent cet ouvrage.
Une première partie intitulé 3 X 7 est un échange entre trois personnages imaginaires :
Le Créateur, l’architecte du monde, qui crée le monde en sept jours. La Genèse nous renseigne sur cette création, jour après jour.
L’évolutionchronohumaine, qui tente de constater que l’homme se construit, année après année, ou plutôt plage d’années après plage d’années, selon une évolution constante sans que l’homme n’en ait conscience.
Le Petit Homme, qui est le réalisateur de sa vie, et qui se débat comme un beau diable, au gré des années qui passent.
Une deuxième partie titrée Notaire est un abécédaire à partir uniquement des lettres du mot Notaire mais qui ne parle pas uniquement de cette fonction.
Le cadre :
Le premier chapitre, 3 fois 7, est une partie de ping-pong entre trois personnages : le premier, le Créateur, l’architecte du monde, propose ses réalisations des sept premiers jours du monde. L’accomplissement est grandiose à en croire la Genèse. Le deuxième, l’Evolutionchronohumaine, confectionne une règle de l’évolution chronométrée de l’exécution, étape après étape, de la vie de l’homme. Rigide dans sa conception mais flexible dans la pratique, elle est un processus incontrôlable. Le troisième, le Petit Homme, le réalisateur, se débat comme il peut dans son existence au gré des années qui passent. Il avance, revient en arrière, repart en avant, jouit des bienfaits, se débat contre l’adversité, bref il vit comme il peut.
Le deuxième chapitre, Notaire, est un abécédaire dont les entrées ne concernent que les lettres de ce mot. C’est une variation libre où l’auteur se découvre, à un moment donné, professionnellement ou intimement en révélant une mémoire partielle de l’homme. C’est une image figée un jour, mais évolutive dans le temps, pouvant être remise en cause.
Y a-t-il une corrélation entre le Petit Homme et l’auteur ? Qu’as-tu fait de ta vie, Petit Homme ?
Extraits du Livre :
Prologue de Bienvenue :
FAIRE ce livre est une idée ancienne, mais je ne trouvais pas le moyen d’y parvenir. Beaucoup de paramètres se bousculaient dans ma tête. Je voulais exprimer des choses personnelles mais je n’étais pas prêt à extérioriser tout ce que j’ai à l’intérieur. Une certaine maturation a été nécessaire. Je ne trouvais pas le biais me permettant d’aborder certains sujets.
J’ai écrit une partie et je l’ai mise à reposer dans un coin. Plusieurs mois plus tard, je l’ai ressortie mais je ne voulais pas y toucher. J’ai réfléchi, puis j’ai retrouvé trois pages qui étaient les prémices d’un simple article pour une revue professionnelle. C’était en 2006. Ces lignes, qui n’ont jamais vu le jour, se rassemblaient sous le titre « Variations Libres sur le mot notaire. »
Pourquoi ne pas écrire un texte pour compléter le premier ?
Du temps, j’avais toujours besoin de temps pour écrire. Par petits bouts, j’ai avancé, j’ai consigné mes ressentis par rapport à certains mots à un certain moment. Ce ne sont pas des positions tranchées d’une manière impérissable. Une certaine évolution peut exister encore aujourd’hui.
Comme vous le voyez, l’écriture de ce livre s’est faite en deux temps donnant naissance à deux parties.
Deux parties distinctes pour aborder des sujets de tous les jours.
Aborder une vie, c’est prendre en pleine face une vérité, certes vraie si je puis dire, mais sans recul.
La première partie est réalisée sous forme d’un jeu entre trois personnages. Sont-ils complètement imaginaires ? Au lecteur de le découvrir.
La deuxième partie est réalisée sous forme d’un abécédaire en jouant avec le mot notaire. Ai-je eu raison de retenir un champ restreint ? Au lecteur de le découvrir.
Préambule
La naissance du monde est un mystère éternel. Personne n’est jamais retourné suffisamment loin en arrière pour en savoir davantage et prouver avec certitude la création de la vie. Je veux parler du monde terrestre, visible, à l’œil nu. Pour l’autre, celui de l’au-delà, celui parallèle, les suppositions abondent. Aucune preuve réelle ne peut être produite. Mais, cette absence d’éléments tangibles ne veut pas dire qu’il n’existe pas. Combien de choses se passent sans que nous puissions y apporter de réponse, sans que nous puissions en savoir l’origine, sans que nous puissions comprendre ne serait-ce qu’une infime fraction du tout.
La naissance du monde est un mystère éternel. Personne n’est jamais retourné suffisamment loin en arrière pour en savoir davantage et prouver avec certitude la création de la vie. Je veux parler du monde terrestre, visible, à l’œil nu. Pour l’autre, celui de l’au-delà, celui parallèle, les suppositions abondent. Aucune preuve réelle ne peut être produite. Mais, cette absence d’éléments tangibles ne veut pas dire qu’il n’existe pas. Combien de choses se passent sans que nous puissions y apporter de réponse, sans que nous puissions en savoir l’origine, sans que nous puissions comprendre ne serait-ce qu’une infime fraction du tout.
Bien avant la création du monde, telle que nous la raconte la Genèse, Dieu doit certainement s’ennuyer. Est-il seul ? En tout cas, Il veut occuper son temps. Peut-être que son paradis, son éden dit-Il à l’époque, ne lui suffit plus. « Que puis-Je entreprendre pour m’amuser un peu ? Je m’instituerais bien en Créateur, c’est-à-dire en architecte d’un système qui fonctionnerait tout seul, tant en heur qu’en malheur. Il faudrait aussi des pantins qui s’agiteraient tout seuls, se reproduiraient et s’activeraient selon une évolution régulière, régulée, chronométrée. Parmi les pantins, il pourrait y avoir des bipèdes qui tenteraient de dominer le monde, leur monde, et plus tard celui des cieux, en se livrant bien entendu des guerres fratricides menaçant jusqu’à leur sol et leur existence même. Parmi ces bipèdes, il serait bien d’en choisir un, un tout petit, pour voir comment est son évolution. L’on pourrait nommer ce tout petit, homme. Il tenterait de réaliser, de s’accomplir, de vivre. Il s’articulerait autour de l’amour. Il voudrait le ressentir, le vivre, en bénéficier. Il ferait des folies pour lui. »
Organiser un jeu, un grand jeu, un énorme jeu, à l’échelle interstellaire. Mais s’attacher à un tout petit pan de cet ensemble magique, gigantesque et complexe. Voilà comment pense Dieu à un moment donné.
Il commence par écrire un texte sur la création du monde qu’Il appelle Genèse. Le texte est long, très long, mais Il n’en retient pour son jeu que la première partie. Il numérote les versets puis sélectionne ceux de 1.1 à 2.4. Ensuite, Il répartit les rôles. Il se positionne en Créateur, c’est-à-dire en architecte en chef du monde terrestre. Il confectionne ensuite une règle qui fixera l’évolution chronométrée de l’homme, selon un processus de vieillissement qu’Il veut séquentiel, avec possibilité de retour en arrière si jamais un oubli se produit. Il nomme ce processus l’évolutionchronohumaine, qui évoluera par séquence. Comme Il veut rire néanmoins, même si son travail est fait sérieusement, Il crée de ses mains son bouffon, son pantin, son fou, non pas du Roi, mais de Dieu : un homme, Le Petit Homme, qui vivra au XXème siècle.
Le trio est constitué. Il n’y a plus qu’à mettre en œuvre la procédure qu’Il a lui-même définie, toujours dans le même sens d’intervention. En premier lieu, le Créateur, architecte qui façonne, puis l’Évolutionchronohumaine qui essaie d’inculquer une suite logique au processus de vie, enfin le Petit Homme qui se débat comme il peut dans les adversités conçues par les deux autres.
À l’instant T, le départ est donné.
Extraits du Livre :
3 fois 7
PERIODE 0
Le Créateur : architecte
1.1 - Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre.
1.2 - La terre était informe et vide ; il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux.
L’Évolutionchronohumaine : séquence moins 0
L’idéal serait de vivre complètement et parfaitement chaque période de la vie avant de franchir l’étape suivante. Si, à l’un des stades de l’existence, l’être souffre d’un manque à un titre quelconque, que ce soit en matière d’affection, de compréhension ou d’attention, nécessaires, il n’en aura en général aucune conscience. Cependant, plus tard, dans une autre étape de la vie, un retour en arrière sera inévitable pour recouvrer, récupérer, rattraper, ce qui lui fait défaut. Cela engendrera une insatisfaction, un mécontentement, une déception, avec une intensité plus ou moins grande, plus ou moins puissante. Un retour en arrière sera alors inévitable pour cicatriser les vieilles blessures et repartir en avant. Une fois accomplie toutes les phases de l’existence, une à une, au besoin après plusieurs retours en arrière, devrait arriver la maturité en fin de cycle de vie.
La première période sera sûrement une expérience délicieuse. Un séjour enchanteur dans la poche maternelle, sans aucune responsabilité, où normalement le futur bébé est équilibré, fort, en bonne santé et en constante évolution, bien protégé par l’enveloppe charnelle de sa mère. Il s’agira d’une relation indéfinissable pouvant être la résultante ou des réactions à du ressenti, des sensations inconnues et évolutives, en adéquation avec l’énergie du corps concepteur. Mais quel souvenir garde-t-on de cette période ? Personne n’a jamais fait le chemin inverse.
Le Petit Homme : réalisateur
Pendant que Dieu se démène dans ses éléments pour créer les cieux et la terre, dans les ténèbres le Petit Homme n’existe pas encore. Il imagine sa feuille de route pendant sa vie sur la planète bleue. Il choisit soigneusement son point de chute, sa famille future, ses occupations ou préoccupations à venir. Il espère pouvoir bénéficier, tout au long de son séjour terrestre, d’une affection, d’une compréhension et d’une attention satisfaisantes, d’une manière continue afin qu’il n’ait pas à revenir en arrière pour compléter une étape de sa vie, ce qui lui évitera une insatisfaction ou un mécontentement.
Le Petit Homme choisit une famille ni trop ni trop peu. Ni trop, c’est-à-dire une famille située dans la classe sociale la plus importante du pays, plutôt vers le bas, sans parenté avec la bourgeoisie ou plus haut encore. Ni trop peu, c’est-à-dire une famille dépendant d’elle par son travail, artisane dans l’ensemble avec des parents tailleurs d’habits, des grands-parents directs ou par alliance charrons, forgerons, sages-femmes. Au milieu du peuple mais indépendant.
Le Petit Homme choisit aussi la période. Ce sera après la deuxième Grande Guerre Mondiale, à la fin des années 40. Il choisit également la région, une qu’il ne connaît pas de préférence. Ce sera le Poitou, ce seuil de passage entre le Nord et les Comtes d’Artois et le Sud envahi en son temps par les Arabes et les Anglais. Le village retenu est situé au nord de la capitale poitevine, dans une campagne de polyculture, accroché à une butte de calcaire, longtemps dominé par la Famille d’Anjou.
Après cette mûre réflexion, le Petit Homme fait en sorte que s’activent amoureusement un homme et une femme, dans une extrême jouissance des sens. Après bien des caresses appropriées, des moments de pur plaisir, des soupirs et des cris de sublime satisfaction, un jet puissant sort de la dure et travailleuse lance masculine, projetant des milliers de spermatozoïdes dans la tulipe chaude et accueillante féminine. Après une course effrénée dans ce milieu humide, un seul se love dans le réceptacle nourricier pour se remettre de ses émotions et du brinquebalement inévitable de ce genre de fantasia. Point de coups de fusil ni de youyous victorieux, mais soudain un calme salvateur accueille notre unique habitant. Pendant plusieurs mois, il va profiter pleinement de la protection de l’enveloppe charnelle de sa mère, qui, peu à peu, se remet de sa volupté sans encore avoir pleine conscience de son futur enfantement.
Le Petit Homme est bien décidé à profiter de ce séjour enchanteur qui lui est offert dans la poche maternelle. C’est comme un club de vacances. Tout est à volonté, y compris le repos, le farniente, la nourriture, le lit. Et en plus, il n’y a pas ce satané collier qui pourrait gâcher ce moment par son côté pécuniaire. Se souviendra-t-il de cette expérience délicieuse, que ne vient troubler aucune responsabilité. Juste du bonheur qui permet d’être équilibré, fort, en bonne santé et en constante évolution. Au fur et à mesure, l’habitacle s’agrandit pour permettre au Petit Homme d’avoir une salle de gymnastique et de musculation. De temps en temps, il peut se dégourdir les jambes ou jouer des bras. Toc-toc ! « Ça va dehors ? » Ou alors, quand il est trop transbahuté, toc-toc « Vous allez arrêter, il y en a qui dorment ici ! »
Le Petit Homme se consacre pleinement à cette unique relation indéfinissable dont il ne sait pas encore qu’il ne conservera aucun souvenir. Il est en parfaite adéquation, lui qui a les doigts de pied en éventail sur une plage déserte, avec l’énergie du corps concepteur. Il utilise sans discernement tout le potentiel électrique de cette centrale charnelle à client solitaire. Quel sera le résultat de ses ressentis, de ses sensations inconnues et évolutives dans ce milieu aquatique ?
www
N O T A I R E
N
NAGE
La grande brasse.
La nage suppose l’eau pour le plus grand nombre de mortels. Elle n’a rien à voir avec le notariat.
Personnellement, l’eau, je la préfère dans le pastis qui se disperse en nage dans elle. Je n’ai jamais appris à nager, ce n’était pas une chose habituelle que d’avoir une piscine dans les années 1950. De plus, j’ai une sainte horreur de l’eau.
Je me souviens que ma famille prenait quelques vacances au bord de l’océan que nous appelions la mer. Nous allions en Vendée ou en Charente Maritime. Nous aimions passer les après-midi sur une petite plage, près de Royan, une espèce de crique que l’on atteignait en descendant une flopée de marches.
J’avais quelques années, entre trois et cinq ans peut-être, quand m’est venue l’idée d’échapper à la vigilance de mes parents, occupés sûrement à d’autres jeux plus adultes. La plage a été traversée aussi vite que mes petites jambes le permettaient avant qu’elles n’attaquent les premières marches permettant une échappée salutaire. Je touchais presque au but. Il me restait deux marches à franchir quand des cris de frayeur me sont parvenus aux oreilles. Ma mère criait, affolée de ma disparition, pendant que mon père s’élançait dans une course folle pour tenter de me rattraper. Les deux dernières marches franchies encore plus vite que les précédentes, je me retrouvai sur le trottoir d’une avenue passante, encombrée de véhicules qui n’auraient fait qu’une bouchée de ma petite stature. Las… mes petites jambes n’allaient pas assez vite et celles de mon père cavalaient à une allure inaccoutumée pour elles.
Je n’avais pas fait trois mètres que des mains me saisissaient et m’enlevaient du sol. Des mains sûrement rassurantes pour celui qui les avait au bout des bras mais effrayantes pour celui qui venait d’être attrapé. Ma mère arrivait enfin, essoufflée et affolée, pleurant à grosses larmes, celles de détresse se mêlant à celles de joie. Détresse de l’immense peur qu’elle avait ressentie et de joie du plaisir de ne pas m’avoir perdu ou vu écrasé.
Les sentiments contradictoires fusent souvent à grande rapidité dans les moments d’intenses émotions exacerbées par la brutalité ou la soudaineté de l’imprévu. Bref, tout cela pour dire que je n’aime pas l’eau ni la nage, même si je comprends le plaisir que certains peuvent avoir à en tirer des jouissances.
Si je n’aime pas l’eau ni la nage dans la vie normale, dans la vie notariale, je ne l’aime pas non plus. Je n’ai jamais aimé les situations floues, imprécises ou douteuses. Je me souviens d’avoir fait le ménage dans la clientèle de l’étude lorsque j’en ai pris les commandes. Il est vrai que j’ai toujours eu une attirance pour le blanc ou le noir par préférence au gris.
Paradoxalement, je suis sûrement un centriste du centre, car je n’aime pas les extrêmes.
© Jean-Louis Riguet Avril 2014
Sociétaire de la Société des Gens de Lettres, Membre du Bottin International des Professionnels du Livre et de la Maison de l’Ecrivain et de la Littérature
Liens :