Marche

Après la reptation, l’invention de la marche à deux, quatre, six pattes, etc., a augmenté nettement l’efficacité du déplacement animal.

La bipédie n’est pas propre aux singes ni aux humains puisque la plupart des oiseaux l’emploie. Mais plutôt que de posséder des ailes, nous utilisons nos mains. La vie dans les arbres a créé la différence.

L’acquisition de la marche chez le jeune enfant d’un an, quelle conquête, quelle joie ! Double fonction d’un seul coup : se déplacer facilement et pouvoir tenir quelqu’un ou quelque chose. On peut amortir la chute, transporter un objet, attaquer une proie.

De plus, la tête, qui est porteuse des organes d’analyse de l’environnement, s’éloigne du sol.

Des millions d’années plus tard, quand on marche, il faut penser que les mécanismes ancestraux s’activent toujours. En promenade, nous sommes comme à la chasse, ne serait-ce qu’à celle des paysages, des visages, des événements.

Et surtout nous pensons mieux. Ce n’est pas par hasard si les meilleures conversations se développent dans le mouvement, si les meilleures idées naissent en marchant. La marche oxygène le cerveau, le geste stimule les neurones.

La pensée est née de la recherche d’une meilleure efficacité pour obtenir ce dont on a besoin : prolongement de la marche, elle est l’outil de chasse par excellence, puis celui de l’échange.

 
13 juin 2016

Matière

Gloire à la matière ! Elle nous fait exister. Mais qu’est-elle exactement ? Mystère. Une présence mobile qui s’attire mutuellement par ce que les physiciens nomment la masse. La matière s’agrège grâce à la gravité, mais pas seulement. La force nucléaire cimente les atomes, et la force électromagnétique les associe.

Le plus extraordinaire avec la matière, c’est qu’on peut rendre compte en grande partie de sa réalité. Le tableau périodique des éléments, qui classe les 94 matières pures existantes et les 24 artificielles en fonction du poids atomique est stupéfiant de logique. C’est comme un jeu de construction très rassurant. Comment les adolescents réagissent-ils lorsqu’on le leur enseigne au lycée ?

Du cristal au presque vide, la matière est à la fois stable et fluctuante : un reflet de nous-mêmes puisqu’elle nous élabore. Ses trois états – liquide, solide et gazeux – nous permettent d’exister. La vie provient de l’eau liquide qui ne se constitue que dans un écart de température restreint.

Tout à fait par hasard, la matière Terre s’est installée à une distance adéquate par rapport à la matière Soleil de sorte que l’eau oscille autour de son état liquide. Une croûte solide s’est formée sur laquelle l’eau peut s’écouler, la lave surgissant ici et là entre les plaques tectoniques.

 
20 juin 2016

 

Mémoire
 

La mémoire, c’est une information présente quelque part dans notre cerveau que nous pouvons rappeler à volonté ou qui revient spontanément. Il s’agit d’une propriété fondamentale des neurones et de leurs connexions.

Magique ! Toutes nos connaissances, tous nos souvenirs en résultent. Il semble que la moindre réminiscence – sensorielle, gestuelle, orale ou écrite – soit le fruit d’un cheminement neuronal toujours réactivé.

Parfois, on peut dater le premier souvenir. On a entre deux et quatre ans. Des paroles, des situations s’inscrivent encore très clairement en nous, immuables.

Apprendre par cœur étonne toujours. Que se passe-t-il en si peu de temps ? Peut-être une simple accumulation de neuromédiateurs dans les synapses.

Cependant, mon corps filtre les événements du quotidien. De l’affectif, du sens, de la surprise, de l’intensité, de la rareté sont nécessaires pour que cela franchisse les limbes de l’oubli définitif. À partir d’un certain seuil, un « OK, je garde » se déclenche, plus ou moins pérenne.

Les années passent et le capital mémoriel s’accumule. Peu à peu, on est ébloui par la persistance des souvenirs depuis l’enfance et des savoirs spécialisés à travers les décennies. Ou bien, au contraire, on voudrait effacer ce qui nous importune.

La mémoire est un fauve que l’on n’apprivoise qu’avec patience et persévérance.

 
26 septembre 2016

Métiers

Il y a une grande beauté dans les métiers. Au royaume du savoir-faire, chacun est à sa place. Mais quel savoir-faire ?

Autrefois, les gestes étaient transmis de père en fils, de mère en fille, ou de maître à compagnon. On ne vivait pas longtemps, les femmes enfantaient chaque année, les hommes se réservaient des tâches bien spécifiques.

Aujourd’hui, les professions sont accessibles aussi bien aux femmes qu’aux hommes. La diversité des activités éblouit.

On observe deux destinées : avoir un métier pour toute la vie ou changer plusieurs fois. Le premier groupe possède le plus souvent des compétences d’une haute technicité gestuelle ; le second groupe est orienté vers l’écrit.

Dans les extrêmes, on peut se sentir prisonnier d’une profession ou ne pas parvenir à la mettre en œuvre. Des travailleurs choisissent de faire carrière. (Rien à voir avec l’extraction des pierres, l’étymologie n’est pas la même.) À l’inverse, par absence de transmission ou par goût de l’aventure, d’autres ignorent la stabilité.

Impitoyablement, les rémunérations sont proportionnelles à l’utilité immédiate combinée à la rareté.

 
03 octobre 2016

 

Modération

Le succès du développement humain depuis l’invention de l’imprimerie et la révolution industrielle est appréciable : nous sommes plus nombreux, nous vivons plus longtemps et nous nous déplaçons beaucoup plus. Cependant cela semble nous mener directement vers un anéantissement digne de celui d’une colonie de bactéries. Notre boîte de Petri est certes grande – c’est la planète – elle n’en est pas moins circonscrite.

Les signaux d’alarme se multiplient : surpopulation, réchauffement climatique, pollution de l’air, des mers et des sols, sixième extinction animale, épuisement des ressources naturelles, effon­drement financier, risque nucléaire, etc. Les inquiétudes deviennent si nombreuses qu’on ne peut plus savoir lesquelles sont prioritaires.

Si le genre Homo est né il y a environ deux millions d’années, ses inventions de la parole et plus encore de l’écrit doivent être considérées comme très récentes. Mais du fait de leur trop grande efficacité, ces deux outils sont en train d’anéantir notre écosystème, et donc nous-mêmes !

Les quelques deux cents pays du monde commencent à comprendre qu’une concertation est indispensable, non seulement pour éviter les guerres – objectif de l’ONU – mais aussi pour analyser les bouleversements provoqués par l’activité humaine. Si la modération est une qualité individuelle, comment la mettre en œuvre collectivement ?

 
09 novembre 2017